Benjamin Disraeli
Lord Beaconsfield, vicomte Hughenden of Hughenden

Biographie falkensteinienne

     Romancier, homme d'état et ex-premier ministre d'Angleterre. Orateur et négociateur hors pair, il est l'égal politique de Bismarck et l'architecte de la puissance de l'empire colonial de la reine Victoria. C'est d'ailleurs l'un de ses plus précieux conseillers. Chef des conservateurs, adversaire de Gladstone, c'est lui qui a fait proclamer la reine Victoria impératrice des Indes en 1877.

     Diplomate : Instructin [BON], Perception [EXC], Physique [BON], Relations [EXT].
      63 ans en 1867

Biographie réelle (Londres, 1804 - id., 1881)

     Fils du critique littéraire Isaac Disraeli, Benjamin, d'origine juive séfarade par sa mère, se convertit au christianisme avec sa famille en 1817. Fier de ses ascendances, il n'adoptera jamais complètement les habitudes et les usages de l'aristocratie victorienne, la gentry, dont il deviendra pourtant l'un des plus brillants représentants au Parlement britannique.
     Son éducation, assez atypique, ne l'y prépare d'ailleurs pas: n'ayant fréquenté ni public school ni université, il est d'abord, à 17 ans, clerc d'avoué et entame ensuite très tôt une carrière littéraire avec la publication en 1826 de son premier roman, Vivian Grey. D'autres œuvres suivent: Coningsby ou la Nouvelle Génération, en 1844; Sybil ou les Deux Nations, en 1845; Tancrède, en 1847; Lothaire, en 1870, pour ne citer que les plus connues. Disraeli s'y révèle comme romancier politique et social, conscient de la coupure de la société anglaise en deux classes – les privilégiés et le monde des travailleurs –, tout en restant persuadé que ces derniers ne souhaitent pas vraiment un profond bouleversement de leur condition: ses idées politiques conservatrices semblent s'être appuyées, dans une assez large mesure, sur ses analyses de romancier.
     C'est en 1837 que Disraeli est élu à la Chambre des communes, au côté des tories (sobriquet traditionnel donné aux parlementaires conservateurs britanniques).  
     Il surprend d'abord ses collègues par son allure de dandy raffiné, voire extravagant, mais s'impose bientôt naturellement comme porte-parole des aristocrates, propriétaires fonciers, dont les intérêts se trouvent menacés par les propositions libre-échangistes du Premier ministre Peel. Celui-ci préconise en effet l'abrogation totale des taxes sur le blé importé.  
     Révélé par les joutes oratoires qui l'opposent fréquemment au Premier ministre, Disraeli apparaît peu à peu comme l'un des éléments les plus en vue du parti conservateur, dont il devient le chef à la mort de lord Bentinck, en 1848.
     Chancelier de l'Échiquier, c'est-à-dire ministre des Finances, dans les trois cabinets de lord Derby, en 1852, en 1858-1859 et de 1866 à 1868, il accède au poste de Premier ministre en 1868, après la retraite de lord Derby. Renversé à la fin de la même année, il revient au pouvoir en 1874, qu'il parvient à conserver jusqu'en 1880.  
     Face au parti libéral de Gladstone, qui devient son principal adversaire parlementaire et alterne avec lui dans l'exercice du pouvoir, Disraeli se propose de régénérer le parti conservateur en lui donnant un programme aux orientations clairement démocratiques en politique intérieure, et très activement impérialistes à l'extérieur.
     Prenant une initiative spectaculaire, il fait voter, en 1867, le Reform Act, loi qui pour la seconde fois, élargit en Angleterre le corps électoral en lui adjoignant la plupart des habitants des villes: à l'électorat bourgeois s'ajoute désormais un large électorat ouvrier. L'Angleterre industrielle et urbaine se trouve par là moins défavorisée par rapport à l'Angleterre rurale, détentrice traditionnelle du pouvoir politique. Curieusement, cette mesure assez avancée, ce «saut dans le brouillard», selon ses propres termes, ne semble pas dans un premier temps favoriser son parti: en 1868, les électeurs lui préfèrent Gladstone et les libéraux; mais, à terme, il permet aux conservateurs d'élargir leur assise électorale à la classe moyenne, voire à une fraction non négligeable de la classe ouvrière, respectueuse des traditions anglaises.
     C'est en politique étrangère que Disraeli obtint ses plus grands succès, en pratiquant une politique de prestige, propre à flatter le nationalisme britannique.  
     En 1876, après un voyage officiel effectué en Inde par le prince de Galles, le futur Édouard VII, Disraeli fait proclamer la reine Victoria «impératrice des Indes». Pendant la crise bulgare, après 1875, il soutient l'Empire ottoman contre les ambitions maritimes de la Russie, rivale traditionnelle de l'Angleterre en Méditerranée orientale et en Asie centrale, tandis que les libéraux, derrière Gladstone, dénoncent les atrocités commises en Bulgarie au nom du sultan ottoman, «protégé britannique», et parviennent à émouvoir l'opinion publique.  
     Disraeli fait front et, après les victoires russes, en 1878, se fait l'un des instigateurs du congrès de Berlin, qui, sous l'égide du chancelier prussien Bismarck, permet aux nations occidentales, inquiètes du déséquilibre causé par les victoires russes aux dépens des Turcs, de rétablir un statu quo ante dont le tsar fait les frais.  
     En même temps, Disraeli rassemble des troupes à Malte et à Bombay, allant jusqu'à constituer des réserves en Grande-Bretagne même. Ayant ensuite estimé que cette démonstration militaire suffisait à impressionner les Russes, il annonce, quelques jours avant l'ouverture du congrès, que la Grande-Bretagne s'est fait céder Chypre par un traité secret conclu avec le sultan.  
     Son retour à Londres après le congrès, consacre le recul, obtenu sans guerre, d'une Russie apparemment toute puissante et lui vaut un véritable triomphe. Durant les six années de son dernier ministère, de 1874 à 1880, Disraeli dispose de l'appui des deux Chambres, mais aussi du soutien de la reine Victoria. Il est anobli en 1876 et prend le titre de comte de Beaconsfield.  
     Battu aux élections de 1880 en raison de son incapacité à résoudre la crise agraire qui touche son pays, Disraeli se retire de la vie politique et meurt à Londres le 19 avril 1881.