Romancier, homme d'état et ex-premier ministre d'Angleterre. Orateur et négociateur hors pair, il est l'égal politique de Bismarck et l'architecte de la puissance de l'empire colonial de la reine Victoria. C'est d'ailleurs l'un de ses plus précieux conseillers. Chef des conservateurs, adversaire de Gladstone, c'est lui qui a fait proclamer la reine Victoria impératrice des Indes en 1877.
Diplomate : Instructin [BON],
Perception [EXC], Physique [BON], Relations [EXT].
63 ans en 1867
Fils du critique littéraire
Isaac Disraeli, Benjamin, d'origine juive séfarade par sa mère,
se convertit au christianisme avec sa famille en 1817. Fier de ses ascendances,
il n'adoptera jamais complètement les habitudes et les usages de l'aristocratie
victorienne, la gentry, dont il deviendra pourtant l'un des plus brillants représentants
au Parlement britannique.
Son éducation, assez atypique, ne l'y prépare
d'ailleurs pas: n'ayant fréquenté ni public school ni université,
il est d'abord, à 17 ans, clerc d'avoué et entame ensuite
très tôt une carrière littéraire avec la publication
en 1826 de son premier roman, Vivian Grey. D'autres uvres suivent:
Coningsby ou la Nouvelle Génération, en 1844; Sybil ou les
Deux Nations, en 1845; Tancrède, en 1847; Lothaire, en 1870,
pour ne citer que les plus connues. Disraeli s'y révèle comme
romancier politique et social, conscient de la coupure de la société
anglaise en deux classes les privilégiés et le monde des
travailleurs , tout en restant persuadé que ces derniers ne souhaitent
pas vraiment un profond bouleversement de leur condition: ses idées politiques
conservatrices semblent s'être appuyées, dans une assez large mesure,
sur ses analyses de romancier.
C'est en 1837 que Disraeli est élu
à la Chambre des communes, au côté des tories (sobriquet
traditionnel donné aux parlementaires conservateurs britanniques).
Il surprend d'abord ses collègues par son
allure de dandy raffiné, voire extravagant, mais s'impose bientôt
naturellement comme porte-parole des aristocrates, propriétaires fonciers,
dont les intérêts se trouvent menacés par les propositions
libre-échangistes du Premier ministre Peel. Celui-ci préconise
en effet l'abrogation totale des taxes sur le blé importé.
Révélé par les joutes oratoires
qui l'opposent fréquemment au Premier ministre, Disraeli apparaît
peu à peu comme l'un des éléments les plus en vue du parti
conservateur, dont il devient le chef à la mort de lord Bentinck, en 1848.
Chancelier de l'Échiquier, c'est-à-dire
ministre des Finances, dans les trois cabinets de lord Derby, en 1852,
en 1858-1859 et de 1866 à 1868, il accède au poste
de Premier ministre en 1868, après la retraite de lord Derby. Renversé
à la fin de la même année, il revient au pouvoir en 1874,
qu'il parvient à conserver jusqu'en 1880.
Face au parti libéral de Gladstone, qui
devient son principal adversaire parlementaire et alterne avec lui dans l'exercice
du pouvoir, Disraeli se propose de régénérer le parti conservateur
en lui donnant un programme aux orientations clairement démocratiques
en politique intérieure, et très activement impérialistes
à l'extérieur.
Prenant une initiative spectaculaire, il fait
voter, en 1867, le Reform Act, loi qui pour la seconde fois, élargit
en Angleterre le corps électoral en lui adjoignant la plupart des habitants
des villes: à l'électorat bourgeois s'ajoute désormais
un large électorat ouvrier. L'Angleterre industrielle et urbaine se trouve
par là moins défavorisée par rapport à l'Angleterre
rurale, détentrice traditionnelle du pouvoir politique. Curieusement,
cette mesure assez avancée, ce «saut dans le brouillard»,
selon ses propres termes, ne semble pas dans un premier temps favoriser son
parti: en 1868, les électeurs lui préfèrent Gladstone
et les libéraux; mais, à terme, il permet aux conservateurs d'élargir
leur assise électorale à la classe moyenne, voire à une
fraction non négligeable de la classe ouvrière, respectueuse des
traditions anglaises.
C'est en politique étrangère que
Disraeli obtint ses plus grands succès, en pratiquant une politique de
prestige, propre à flatter le nationalisme britannique.
En 1876, après un voyage officiel
effectué en Inde par le prince de Galles, le futur Édouard VII,
Disraeli fait proclamer la reine Victoria «impératrice des Indes».
Pendant la crise bulgare, après 1875, il soutient l'Empire ottoman
contre les ambitions maritimes de la Russie, rivale traditionnelle de l'Angleterre
en Méditerranée orientale et en Asie centrale, tandis que les
libéraux, derrière Gladstone, dénoncent les atrocités
commises en Bulgarie au nom du sultan ottoman, «protégé
britannique», et parviennent à émouvoir l'opinion publique.
Disraeli fait front et, après les victoires
russes, en 1878, se fait l'un des instigateurs du congrès de Berlin,
qui, sous l'égide du chancelier prussien Bismarck, permet aux nations
occidentales, inquiètes du déséquilibre causé par
les victoires russes aux dépens des Turcs, de rétablir un statu
quo ante dont le tsar fait les frais.
En même temps, Disraeli rassemble des troupes
à Malte et à Bombay, allant jusqu'à constituer des réserves
en Grande-Bretagne même. Ayant ensuite estimé que cette démonstration
militaire suffisait à impressionner les Russes, il annonce, quelques
jours avant l'ouverture du congrès, que la Grande-Bretagne s'est fait
céder Chypre par un traité secret conclu avec le sultan.
Son retour à Londres après le congrès,
consacre le recul, obtenu sans guerre, d'une Russie apparemment toute puissante
et lui vaut un véritable triomphe. Durant les six années de son
dernier ministère, de 1874 à 1880, Disraeli dispose
de l'appui des deux Chambres, mais aussi du soutien de la reine Victoria. Il
est anobli en 1876 et prend le titre de comte de Beaconsfield.
Battu aux élections de 1880 en raison
de son incapacité à résoudre la crise agraire qui touche
son pays, Disraeli se retire de la vie politique et meurt à Londres le
19 avril 1881.