Thomas Edison

Biographie falkensteinienne

     Inventeur américain du phonographe, de l'ampoule électrique, du mimographe, du papier de cire et de la caméra de cinématographe. L'inventeur des inventeurs, que même les Nains respectent. Étonnant, prolifique et têtu, il dirige actuellement une société d'ingénieurs-conseils et d'inventeurs à New York.

     Inventeur : Instruction [BON], Mêlée [FAI], Perception [EXC], Physique [BON], Technologie [EXT].
      20 ans en 1867

Biographie réelle (Milan, Ohio, 1847 - West Orange, New Jersey, 1931)

      Ce natif du Middle West américain doit sa célébrité à une invention brevetée en 1877 et qui lui est contestée : le phonographe, attribué aussi au français Charles Cros. Edison avait la manie de déposer systématiquement un brevet pour chacune de ses inventions, ce que ses concurrents ne faisaient pas toujours, à tel point que les auteurs ne sont pas d'accord sur leur nombre : 1.000 ou 2.000 ?
      On peut se demander comment cet homme, dont l'ouie fut altérée par la scarlatine jusqu'à la surdité totale pour l'oreille gauche et une audition de 10% pour la droite, a pu concevoir un procédé d'enregistrement et de reproduction sonore : il le perfectionnera même plusieurs fois, en créant le microphone et un amplificateur sonore. Edison ne considérait pas sa déficience auditive comme étant un handicap, mais comme participant à sa concentration intellectuelle. Il fut l'un des premiers lecteurs à fréquenter la bibliothèque de Détroit, lisant les ouvrages à la suite, étagère après étagère !
      A l'actif de cet autodidacte génial, notons encore la paternité de la lampe à incandescence, un ancêtre du cinématographe, et l'amélioration du télégraphe.
      Il a aussi découvert l'effet thermo-électronique appelé effet Edison: c'est l'émission d'électrons par les métaux chauffés. L'une de ses premières inventions brevetées, une "machine à voter" en 1868, ne fut pas retenue par le Congrès : elle comptabilisait les votes trop vite au goût des parlementaires ! Edison décida alors que ses créations répondraient avant tout à une demande commerciale. On peut dire que cela lui a réussi !

     Thomas Alva Edison naquit à Milan (Ohio, États-Unis) en 1847. Son père, d'origine néerlandaise, était brocanteur, sa mère, d'origine écossaise, avait été institutrice. Dans ce milieu modeste, rien ne destinait a priori Thomas Edison à jouer un rôle éminent dans l'avancement des sciences et des techniques. Parcours atypique que celui de ce génial inventeur et homme d'affaires, aussi talentueux que retors.
     Après l'installation de la famille Edison à Port Huron (Michigan), le jeune Thomas Edison fréquente l'école pendant trois mois. Il n'y retournera plus jamais: c'est sa mère qui assurera désormais son éducation, et sans doute éveillera en lui une curiosité toujours insatisfaite. À dix ans, il installe un laboratoire dans la cave de la maison familiale; passionné de mécanique, de chimie, de physique et d'électricité, auxquelles il s'initie seul, il se tient au courant des dernières découvertes techniques.  
     Dès ses premières années, le jeune Thomas montre des capacités peu banales pour la mécanique. Il n'a pourtant que trois mois d'école publique à son actif et des rudiments bien sommaires de calcul et de mathématiques. Cependant, les leçons particulières prodiguées par sa mère lui donnent les bases suffisantes pour se débrouiller dans la vie. Vif, intelligent, imaginatif, il a les moyens intellectuels de pallier ses carences. Mais il lui faudra beaucoup d'énergie et de force morale pour réussir. Dès l'âge de douze ans, il vend des journaux dans les trains; mais il ne se contente pas de cette tâche qui requiert pas de qualifications : il achète une presse à imprimer d'occasion, et l'installe dans le fourgon dont il dispose; il rédige et imprime son propre journal pendant la marche du train, le Weekly Herald, qu'il vend aux voyageurs. Cela ne suffit pas à son ambition. Et pendant ses moments de liberté, il s'instruit en physique, mécanique et chimie. Ayant mis le feu au wagon dans lequel il se livre à ses expériences, le jeune Edison doit bientôt chercher un autre emploi. Pour le plus grand bien de la technologie.  
     En 1862, le bureau télégraphique de Port Huron l'engage, et y trouve son avantage. En effet, le jeune savant en herbe invente en 1864 un télégraphe duplex qui permet de transmettre sur un même câble deux dépêches en sens inverse. Il n'a que dix-sept ans. En 1868, il travaille à la Western Union Company, à Boston, où son ingéniosité fait déjà merveille, servie par une insatiable curiosité et un dynamisme étonnant. Cependant, il tâtonne encore. Sa machine automatique à voter, par exemple, se révèle un échec, faute de marché suffisant. Dorénavant, Edison sera très attentif aux possibilités de retombées commerciales de ses réalisations.  
     En 1869, désormais fixé à New York, il s'intéresse de nouveau aux applications de la télégraphie. Il se rend à la Bourse de Wall Street à New York pour y voir fonctionner l'appareil de télégraphie utilisé pour transmettre les cours de l'or. Mais l'appareil est en panne; Thomas Edison réussit à le réparer. La compagnie Western Union l'embauche comme assistant de l'ingénieur en chef; il fabrique alors un un télégraphe multiplex pouvant transmettre et imprimer les cours des valeurs boursières. Cet appareil, qui rencontre un succès commercial exceptionnel, permet au jeune homme de créer puis de revendre une petite société, la Edison Universal Stock Printer. Disposant désormais d'une confortable aisance financière et d'une renommée incontestable, il peut se consacrer entièrement à ses recherches.  
     Il ouvre un atelier à Newark (New Jersey) où il fabrique un télescripteur, puis fonde en 1876 son usine de Menlo Park, à Orange (New Jersey) où il va poursuivre une carrière d'inventeur prolixe. Même si un certain nombre parmi les centaines de grevets qu'il va déposer se bornent à perfectionner des inventions imaginées par d'autres, cette performance reste unique.
     Comme beaucoup d'autres inventeurs, il travaille à la mise au point de l'ampoule électrique sur laquelle on bute depuis 1830. L'inventeur anglais sir Joseph Swan avait déjà eu l'idée de placer dans une ampoule vide d'air un fil de papier revêtu de carbone; mais le vide imparfait et l'impossibilité de disposer à l'époque d'un courant électrique stable ne permettaient pas à la lampe de fonctionner longtemps. En 1844, le Français Foucault était parvenu à éclairer à l'aide de lampes à arc électrique une partie de la place de la Concorde à Paris. Mais ces lampes éblouissaient trop, dispensaient un éclat irrégulier, et leurs baguettes de charbon s'usaient trop vite.  
     En 1878, le monde entier s'éclairait donc encore au gaz ou, plus généralement, à la bougie. Les progrès des connaissances en électricité permettaient cependant d'envisager de remplacer, dans un avenir plus ou moins proche, ces systèmes peu commodes et dangereux par un autre fondé sur l'utilisation de l'électricité. Encore fallait-il imaginer et développer industriellement les matériels adéquats. Ce n'était pas une mince affaire, car la nouvelle source d'énergie ne se domestique pas si aisément. Il faut des générateurs fiables, et résoudre le problème du transport du courant. Or, non seulement celui-ci ne se stocke pas, mais, pis, il se dissipe sur de longues distances. Le Français Marcel Deprez va résoudre en partie cette difficulté en 1883-1885, en utilisant des hautes tensions sur plusieurs lignes expérimentales, entre Vizille et Grenoble, Creil et Paris. Simultanément, les dynamos, les moteurs électriques, les turbo-alternateurs deviennent de plus en plus performants, grâce aux travaux de Siemens, de Westinghouse, de Sulzer et d'Edison, notamment. Et les transformateurs apparaissent. Mais il faut mettre au point le support de l'éclairage électrique, c'est-à-dire des ampoules de verre à filaments assez solides pour supporter la chaleur et l'incandescence pendant une longue durée. Comment maintenir l'éclat à un niveau constant ?  
     En 1879 — il n'a que 29 ans —, Thomas Edison trouve la solution au problème : le 21 octobre, après de nombreux essais, il a l'idée d'utiliser un bambou du Japon qui se carbonise en lançant un vif éclat dans une ampoule alimentée par de faibles voltages, sous vide. Courbé en U, ce bambou est relié à deux fils de platine conducteurs de l'électricité. Edison présente son invention en public le 1er janvier 1880; il illumine la rue, la bibliothèque et le laboratoire de Menlo Park, à l'aide d'une dynamo et de 40 ampoules.  
     En homme d'affaires avisé, Edison ne se contente pas de la mise au point de son ampoule, il dépose des brevets et prépare l'industrialisation de ses découvertes. Dès octobre 1879, avec l'aide de capitaux avancés par les plus grands financiers de l'époque, entre autres J.P. Morgan et les Vanderbilt, il a fondé sa propre compagnie, l'Edison Electric Light Company, pour la fabrication industrielle des lampes. Plusieurs autres sociétés seront ensuite créées pour l'exploitation du procédé. Le 4 septembre 1882, la première usine électrique du monde est mise en service à Pearl Street dans le quartier de Wall Street, à New York. Entièrement conçue par la société d'Edison, elle n'alimente que 1 200 lampes éclairant 85 maisons, bureaux ou boutiques. Mais ce n'est qu'un début. D'autres installations suivent, toujours plus puissantes; moins d'un an plus tard, plus de 430 immeubles new-yorkais seront éclairés par 10 000 ampoules.  
     Edison réussit aussi des opérations publicitaires de grande envergure qui concourent à la propagation de la lampe à incandescence dans le monde, en particulier à Paris, lors de l'Exposition internationale d'électricité en 1881, et surtout de l'Exposition universelle en 1889, apothéose de la nouvelle forme d'énergie.  
     L'éclairage électrique devient un véritable fait de société, symbole de confort domestique et publique, de sécurité, de fête, voire d'hygiène. Finies la chaleur, les odeurs désagréables, la saleté de l'éclairage à l'huile, au gaz et à la bougie. Le «sorcier de Menlo Park», comme on le surnomme, ne s'en tient pas au succès de l'éclairage électrique, il travaille simultanément à d'autres inventions appelées, elles aussi, à un grand retentissement.
     Entre-temps, en 1877-1878, Edison a conçu le premier véritable phonographe, dont le principe avait été formulé un an plus tôt par Charles Cros. Le dispositif mis au point à Menlo Park se compose d'un récepteur, d'un enregistreur et d'un reproducteur: une feuille en étain est placée autour d'un cylindre en acier, et une aiguille, en acier également, grave et lit tour à tour les sons recueillis ou diffusés par un pavillon. Bien qu'encore imparfait — il ne sera d'ailleurs pas commercialisé avant 1889 —, cet appareil concrétise un vieux rêve de l'humanité, sur lequel se sont penchés de nombreux savants ou esprits curieux depuis des siècles: reproduire la parole et les sons de façon purement mécanique.  
     Edison ne sait pas qu'il pose en même temps les bases du cinéma parlant. En 1888, après avoir reçu, à Menlo Park, l'Anglais Eadweard Muybridge, un pionnier de la reproduction du mouvement en photographie, il met au point un phonographe optique baptisé «kinetograph» et un phonographe de restitution nommé «kinetoscope». Il s'agit d'une boîte en bois, percée d'un oculaire devant lequel défile un film en boucle. Ces réalisations font participer leur auteur à une nouvelle aventure technologique en plein développement dans les années 1890: le cinématographe.
     Le kinetoscope conduit incidemment les laboratoires de Menlo Park à modifier le film photographique de 35 mm de largeur créé par Hannibal Goodwin et fabriqué par George W. Eastman, en le perforant de chaque côté afin qu'il défile sur une roue dentée devant l'objectif.  
     En 1893, les laboratoires de Menlo Park livrent, en série, de gros kinetoscopes qui sont montés en batteries payantes pour le public (25 cents la série d'images) dans des salles spéciales : les Kinetoscope Parlors. La première salle est inaugurée à New York. D'autres s'ouvrent ailleurs aux États-Unis, ainsi qu'à Londres, à Paris, etc. Edison et sa société tirent des bénéfices considérables de l'exploitation de ces ancêtres des salles de cinéma. Pour alimenter en films les Kinetoscope Parlors, l'Anglais Dickson, l'un des principaux techniciens de l'équipe d'Edison, installe à West Orange (Menlo Park) le premier studio de cinéma du monde. C'est une étrange baraque noire sans fenêtres, mais dotée d'un toit ouvrant, capable de pivoter sur un rail pour capter les rayons du soleil. Les films sont tournés avec un kinetograph, devant une toile noire en guise de décor.  
     L'apport d'Edison à l'art et l'industrie cinématographiques ne s'arrête pas là. Sa société met sur le marché, en 1903, l'Universal Projecting Kinetoscope. Cette caméra enregistre 12 images sur film de 35 mm à chaque tour de manivelle. En outre, en achetant le brevet du Phantascope d'Armat et Jenkins en 1896, qu'elle commercialise sous le nom de Vitascope, l'Edison Manufacturing Company domine le secteur des images animées. Elle se distingue aussi par la qualité de sa production cinématographique, sous l'impulsion d'Edwin S. Porter. Mais ce quasi-monopole aux États-Unis est battu en brèche lorsque Dickson quitte Menlo Park pour fonder sa propre société: l'American Mutoscope and Biograph Company.
     La transmission à distance des messages et des sons excite l'imagination des chercheurs depuis très longtemps. Le télégraphe Chappe au XVIIIe siècle, celui, électrique, des Anglais Wheatstone et Cooke et des Américains Vail et Morse constituaient les premières solutions à ce problème. Mais tous ces systèmes, pour ingénieux qu'ils soient, présentent un inconvénient majeur: ils utilisent des symboles ou des codes, qu'il faut faire décrypter à la réception par du personnel qualifié.  
     Dès 1850, quelques inventeurs songent déjà à la propagation à distance de la voix humaine non déformée, à l'aide des ondes électromagnétiques. En 1861, l'Allemand Philip Reis retransmet une mélodie à distance, avec une machine électrique baptisée «téléphone». Deux Américains entrent alors en lice au début des années 1870: Alexander Graham Bell et Edison. Ce dernier a l'expérience du télégraphe depuis 1862; et la mise au point du premier phonographe lui confère un atout supplémentaire pour réussir ce nouveau pari technologique.  
     Le 19 décembre 1877, il dépose un brevet pour un émetteur et un récepteur téléphoniques, conçus pour la Western Union Co. Ils sont dotés de microphones à pastilles de charbon, l'un des éléments essentiels de tout appareil téléphonique. Il les associe bientôt à une bobine d'induction en guise de transformateur. Ainsi naît l'émetteur à la plombagine (du graphite, c'est-à-dire du carbone cristallisé presque pur), qui constitue un perfectionnement capital du téléphone de Graham Bell; au lieu de transmettre directement un courant électrique, d'une intensité extrêmement faible, obtenu à partir de la voix, il utilise les vibrations d'une membrane métallique agissant sur des grains de charbon. Celles-ci provoquent une variation de résistance des grains, ce qui permet de moduler un courant électrique fourni par une batterie. De plus, microphone et écouteur sont séparés ce qui est infiniment plus pratique. Malgré cette découverte, Edison n'a pas la paternité de l'invention du téléphone, qui est reconnue à Bell (dont premier brevet avait été déposé en 1876), à l'issue d'un procès retentissant entre la Western Union (American Speaking Telephon Company) et la compagnie Bell. Le téléphone et le phonographe suivent d'abord la même voie jusqu'à la fin des années 1890. Puis leur usage se différencie. En 1898, le Danois Valdemar Poulsen invente le magnétophone, un ancêtre du répondeur téléphonique.
     Lorsqu'il meurt à West Orange (New Jersey) en 1931, Edison jouit d'une réputation mondiale que la majorité des inventeurs n'ont pas connue de leur vivant. Il est l'auteur, seul ou avec ses collaborateurs, de 1 093 brevets d'invention, dont celui d'un accumulateur alcalin au fer-nickel, vers 1914.  
     En 1884, la découverte inattendue de l'effet Edison (mise en évidence de l'émission d'électrons par les métaux portés à incandescence) aboutira, reprise quinze ans plus tard par le grand physicien britannique J.J. Thomson, à l'élaboration de la lampe à diode, qui va permettre un prodigieux essor de la technologie et de l'industrie électroniques.  
     Le dynamisme, l'inventivité, le sens commercial et industriel d'Edison sont à l'origine du développement d'un empire industriel qui compte parmi les plus puissants du monde. Cette nébuleuse naît en 1878, avec la fondation de l'Edison Electric Light Company. En 1881 apparaissent Edison Works, Edison Tube Co, Edison Shaftin Co, Fort Wayne Electric Light Co. En 1882, c'est le tour de l'Edison Company for Isolated Lighting. En 1886 se forme un conglomérat groupant ces entreprises: Edison General Electric Company. En 1891, le nouveau groupe emploie plus de 6 000 personnes et possède plusieurs usines et centres de recherche. En 1892, la société fusionne avec Thomson Houston Electric Company, pour former General Electric, qui emploie 32 000 personnes en 1910. Depuis lors, le groupe n'a cessé de croître et est présent dans des secteurs comme l'électromécanique, l'électroménager, l'électronique, les moteurs d'avions et les équipements aéronautiques, l'armement, l'astronautique, pour ne citer que les plus importants.